samedi 23 juillet 2016

DIMITRI, un clown muet

Dimitri Jacob Müller, devenu Jacob DIMITRI (1935-2016) vient de mourir. Il aurait eu 81 ans en septembre. Il était originaire du Tessin suisse.
Personnage atypique, mais vrai clown : acrobate, musicien, acteur... il s'était formé auprès des meilleurs mimes (Etienne Decroux et surtout Marcel Marceaux dont il fit partie de la troupe). Il a toujours beaucoup travaillé pour entretenir son corps (en 2015, il parle de trois heures par jour) et continuer d'offrir le meilleur aux spectateurs.
"Le clown est une figure intègre, a-t-il écrit, aux sentiments purs, qui retourne délibérément en enfance [...].
A condition que ses actions soient clownesques, le clown peut fondamentalement tout se permettre".

Je ne l'ai jamais vu en piste ou sur scène. Son personnage est incontestablement original. Voici deux images qui sont représentatives de son art.



photo Jean-Daniel von Lerber

Scène où il se débat avec une chaise longue "endiablée".

 
photo de Rémy Steinegger

Séquence où le diable coince sa queue lorsque le couvercle du coffre se ferme et jonglerie de balles de ping-pong avec la bouche.
Sa bouche, déjà large, devient immense avec les deux balles.

Il a beaucoup joué en solo mais sa tournée Knie, en 1972, l'a rendu célèbre en Suisse... et au-delà.
Trois de ses quatre enfants ont fait carrière dans le métier : David (1963), Mascha (1964) et Nina (1966). 

L' "Album Dimitri" (Editions Benteli-1973) donne une bonne idée des débuts de sa carrière. Voici des extraits de textes :
"J'ai adapté le masque blanc à mon visage, et on voit par la suite sur certaines photographies que les traits sous les yeux sont devenus plus longs au fur et à mesure des années. Est-ce que par hasard je deviens plus triste ? Non, certes pas, au contraire. J'ai le sentiment de ressembler à la figure dont je rêve... 
La musique et les instruments sont très importants pour moi et tiennent une part importante dans mon programme... J'ai commencé à jouer avec deux instruments (saxos), puis avec trois et à présent, je joue avec quatre saxophones en même temps...
Auparavant, je faisais des numéros plutôt courts. Au cours d'un programme, je présentais peut-être huit à dix numéros. A présent, mon programme compte deux numéros qui durent chacun environ 45 minutes.
Je crois qu'un numéro ne cesse de s'améliorer car j'y travaille constamment. Je modifie et lime sans arrêt, j'abandonne certains passages et en ajoute d'autres. Lorsqu'ils le revoient une année plus tard, beaucoup de spectateurs prétendent qu'il s'agit d'un tout autre numéro..."


photo Michel Esnault
La Mort du Cygne, avec Maïss



photo Sochureck Vilém-Prague 
Musicien, avec 3 saxos (il se désole de ne pas avoir, à ce moment-là, de photo avec 4 saxos)


photo Eclipse-Zurich
"Comment se fait-il que je travaille avec une vache ? (Knie 1973).
Knie voulait que je travaille à nouveau avec un animal. Depuis plusieurs années, j'avais l'idée de faire un numéro avec une girafe. Mais le projet était trop compliqué. La girafe est très lunatique, difficile à dresser et dangereuse aussi. Je me suis finalement rabattu sur une vache. Les Knie ont trouvé l'idée bonne et ont immédiatement acheté une vache fribourgeoise. Elle a déjà reçu plusieurs prix parce qu'elle est particulièrement belle. Elle a un très joli nom de jeune fille : Belinda. Chaque jour nous buvons de son lait c'est pourquoi nous sommes en si bonne santé.
Plus le temps passait, plus je devais constater que cette vache était vraiment très intelligente, je devrais même dire si intelligente qu'elle savait exactement de quelle manière se comporter pour ne rien devoir faire..."

Adieu, Dimitri.

Yvon Kervinio