Pourquoi publier les livres ou les albums papier de photos de cirque, comme je l'ai fait depuis 25 ans ? Ce qui fait nombre aujourd'hui... et peut amener à s'interroger : pourquoi continuer ?
Il est sans doute nécessaire d'analyser le monde des amateurs de cirque (les circophiles) en essayant d'être objectif. Les statistiques sur ce sujet n'existant pas (parce qu'il ne représente pas une force économique), les chiffres indiqués ne sont pas fantaisistes mais ils sont très vagues. Ils permettent quand même de se faire une idée du monde circophile qui nous intéresse.
Les millions de personnes qui se rendent aux spectacles vivants de cirque, les 3 millions de spectateurs de chaque émission du Plus Grand Cabaret (2 831 000 hier soir, 30 avril 2016) ne génèrent qu'un millier d'amateurs collectionneurs au plus dans notre pays. Et sans doute ce chiffre est-il aujourd'hui généreux quand on sait qu'une fraction importante ne s'y intéresse que pour des raisons de maquettisme. Ce qui explique le succès réel (mais relatif) des ouvrages où il est question de matériel circassien (transports, chapiteaux).
De là, des difficultés économiques pour faire vivre une revue professionnelle du thème. Et la quasi disparition des éditions de livres sur le spectacle si elles n'ont pas bénéficié d'argent public (qui exonère de trouver des clients!).
Mais depuis vingt-cinq ans les techniques d'impression ont fait d'énormes progrès si bien que les établissements circassiens qui accordent à leur image une importance notable ont eu la démarche de publier chaque année des programmes-papier superbes qui, certainement, sont largement suffisants pour satisfaire la faim d'archives et de documents, de manière générale, des circophiles. Ceci étant complété par des revues informatives de qualité (pour la France : Le Cirque dans l'Univers et Bretagne Circus). Bref, avec les affiches et les flyers que l'amateur se procure, il y a de quoi emmagasiner une collection papier qui peut satisfaire les plus (gentiment) gloutons des circophiles, collection qui sera suffisamment documentée pour toute analyse ou étude du sujet ultérieurement.
Nous ne connaissons pas la pérennité des espaces virtuels (sites, blogs, facebook...) qui complètent l'information circassienne mais elle est, pour l'immédiateté des événements, de premier choix et surtout intercontinentale. On peut dire que cette communication comble largement les jeunes amateurs qui ne font pas la démarche de rejoindre les associations circophiles.
Ceci étant exposé, se pose la question que j'ai formulée au début du texte : pourquoi continuer à publier des albums de photos de cirque ? Vous avez compris que je cherche à apporter des arguments à la défense de ce processus de création.
Il y a tout d'abord l'évolution des techniques d'impression et d'édition qui a permis de réaliser, en petit nombre, des produits de qualité professionnelle, à un prix qu'on va dire raisonnable. L'égo des photographes (il faut appeler les choses par leur nom) a ainsi trouvé le moyen de se faire plaisir, de le partager quand il offre l'album ou la possibilité de l'acheter. Cette notion de partage, en dehors de toute considération commerciale, bien sûr, est essentielle. C'est le même partage qu'on trouve lorsque le photographe expose ses créations sur les murs d'un local. "Voilà ce que j'ai fait, ce que je sais faire, ma manière qui est différente de celle du voisin, etc..." A l'époque où tout le monde utilise le même type de matériel, cette confrontation est motivante et enrichissante.
A mon sens, elle justifie déjà complètement la création des albums. Le besoin de reconnaissance par ses camarades est un moteur puissant et primordial.
L'édition permet la pérennisation des photos. Au moins, on est sûr qu'elles existeront toujours. Lorsqu'elles sont imprimées de plus grande taille que dans les revues ou les programmes, leur lecture ou leur contemplation est gratifiante pour le photographe et les amateurs qui peuvent les partager. Elles sont éternelles puisqu'on peut les reproduire en bonne qualité à partir de leur impression.
Il y a enfin une troisième raison qui justifie l'édition et qui concerne l'esprit même de toute collection. Collectionner, c'est l'optimisme de celui qui voit loin dans le temps. Dans mon monde, on ne collectionne pas uniquement pour soi ou pour placer son argent. Le collectionneur dispose d'objets qui ont une âme (peut-être), une histoire (c'est sûr) et la promesse de donner du bonheur à celui qui le recevra (sinon c'est raté).
Vu le nombre de collectionneurs de cirque, on peut dire qu'il y a peu d'élus.
Ceux que je connais sont tellement passionnés (je l'ai été moi-aussi) que j'aurai beaucoup de mal à suspendre ce qui représente une grande partie de ma vie.
Amical salut à tous mes amis photographes de cirque* (amateurs passionnés) qui ont fait l'expérience de l'édition de leurs images de spectacle. Vous avez eu raison. Continuez.
Yvon Kervinio
PS : *Il existe des photographes professionnels talentueux qui mettent leur savoir-faire, leur sensibilité, leurs grandes compétences dans la photographie de cirque contre rémunération normale et justifiée. Nous ne sommes pas dans le même monde et nous n'avons pas de relations. Vous avez bien compris qu'il s'agit ici de passion et que la quête du profit n'y a pas sa place.
La plupart des amis qui participent à ce blog ont fait réaliser des albums de leurs reportages : Thierry Bissat, Jean-Claude Cavier, Jean-pierre Jerva, Patrick Le Moullec, François Dehurtevent, Jean-Jacques Pedrosa, Patrick Prévost, Pierre Gautier, Bernard Agion, contribuant ainsi à la richesse de ce patrimoine.